27 juillet 2013 – Château de La CHASSAIGNE (près de THIERS)

Bienvenus au château de  la Chassaigne......

Dans un havre de verdure à l’abri des regards et du soleil brûlant, le châtelain, Jean-Paul Gouttefangeas, et sa dame châtelaine nous ont réservé un accueil merveilleux de gentillesse, de disponibilité et leur souci de faciliter tout ce qui pouvait l’être, en firent de merveilleux guides.

Ce fut donc un régal que de se réunir à proximité du Château, autour des tables sous les arbres, à la fraîche. Rayons de soleil au travers des feuillages, petit vent frais balançant les branches…
Nous retrouvions aussi 2 des nôtres qui avaient participé au séjour HCE en Roumanie. Heureux d’être ensemble, nous avons partagé quelques impressions de voyage.

Bientôt le châtelain nous invite à nous installer devant le château tandis qu’il commence à montrer des documents anciens et à les commenter. Le château (1480), qualifié de « manoir » est représentatif de l’architecture civile de l’époque du 15ème  siècle. Les successions s’opèrent le plus souvent par filiation. D’abord, nous écoutons un peu d’histoire à propos des différents propriétaires qui se succédèrent. Selon les époques et les événements politiques, les projets furent variés et parfois… violemment contrariés.

Jean de La Chassaigne acquit la propriété au 12ème siècle, et M. Durfé au 15ème ; lequel la vendit à M. Chazeron au 16ème. Au 17ème siècle c’est au tour de la famille de Montmorin laquelle va vendre le château à la famille Simiane. Le marquis de Simiane importe des orangers qu’il va installer dans la partie des serres dites froides (protection des végétaux jusqu’à -10°C). Les Montmorin réacquerront la propriété auprès des Simiane, eux-mêmes revendront au Riberolles qui, à leur tour revendront aux premiers (les Montmorin). Vous suivez toujours ? Las ! L’époque est plutôt agitée, depuis 1785… M. Montmorin sera poursuivi en tant que propriétaire terrien, emmené à Paris en 1789, pour y être décapité.

Les Riberolles récupèreront un manoir aux tours détruites pendant la Révolution. La loi de l’époque leur impose de ne pas recouvrir la toiture sur une période de 2 à 3 mois afin que les intempéries y fassent leur œuvre. Les châtelains veulent vendre au début du 20ème siècle : l’opération échoue ; ils devront se résoudre à vendre « à la découpe ». D’un côté ce seront les statues du parc, les arbres et la ferme qui seront cédés. Reste l’édifice principal devant lequel un chemin sera construit pour y accéder en passant… par chez le voisin. La cour elle-même a appartenu à 2 propriétaires (chacun en reçut une partie). Aujourd’hui la cour est « rassemblée » en une seule parcelle mais la servitude du droit de passage est toujours d’actualité. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !

Enfin au 20ème siècle et depuis, ce sont 2 familles qui jouissent du lieu : les Roux et les Delotz. Les uns occupent le 1er étage du bâtiment, les autres le second.

Tous ces épisodes ne nous parlent pas de l’environnement immédiat de la bâtisse : il n’y avait aucun jardin, la ferme et l’orangerie – construits en pisé – sont tombés en ruines et furent reconstruits sur les mêmes emplacements ; on y ajouta des caves.

A l’étage supérieur du manoir, chaque angle possédait une « poivrière » (tourelle avec un toit en forme de chapeau pointu, comme une poivrière), placée en avancée, ce qui permettait d’observer de tous côtés.

Le château de La Chassaigne est inscrit à l’inventaire des monuments historiques.  Les châtelains actuels, passionnés par ce lieu ont fait rehausser le bâtiment, ce qui affine encore son élégance. Aucune subvention ne leur est allouée pour l’entretien des lieux, mais le couple déduit entièrement les montants de la restauration, ce qui les dispense de tout impôt. (C’est une entreprise thiernoise qui a restauré les enduits des murs, reprenant les couleurs d’origine).

Tout le monde s’est montré attentif pendant l’évocation historique de  Jean Paul Gouttefangeas qui, à 70 ans passés, montre toujours une réelle passion et un tonus impressionnant. A la fin du récit, et de façon parfaitement synchronisée, Madame sonne la cloche pour indiquer aux éventuels retardataires que la visite de l’intérieur va commencer.
C’est la première fois que nous voyons Madame, mais pas la dernière…

Nous avons vu qu’à présent, il y a ici 2 propriétaires. Ceux qui nous reçoivent s’occupent du 1er étage qu’ils se sont efforcés de mettre en valeur, en reconstituant les salles, tout en conservant chaque élément singulier autant qu’il était possible.

A la fin des phrases de Monsieur, Madame tente de lui « chiper » la place, en se déplaçant physiquement et en lui prenant la parole. Lui, aurait bien fait tous les commentaires, à lui tout seul… bien volontiers. Madame guette le moment où son époux va terminer la phrase suivante pour enchaîner à son tour sur un sujet qu’elle estime sans doute lui revenir d’office : la tapisserie. M. s’éclipse, il reviendra dans un moment.

La grande tapisserie d’Aubusson – qui date du 17ème siècle – aurait grand besoin d’une restauration rafraîchissante, mais pour des questions de coût, ce n’est pas à l’ordre du jour.

Les différents motifs qui composent la tapisserie représentent un épisode du roman de M. d’Urfé (l’un des propriétaires), décrivant les amours de 2 jeunes gens dont les familles sont ennemies. L’histoire est certainement complexe puisqu’elle ne compte pas moins de… 5000 pages ! Un cinéaste bien actuel – Eric Rohmer – s’est emparé du sujet pour construire le scenario de son film : « Les amours d’Astrée et Céladon ».
Sur la tapisserie, les paysages sont ceux de notre région.

Puis nous nous dirigeons vers d’autres salles, tout aussi riches et propices aux commentaires.
Une fois la visite de l’intérieur terminée, Jean Paul Gouttefangeas nous emmène dans les jardins : quel travail ! Quel entretien ! Chaque parcelle a son caractère et « surtout, ne faites pas des barrières de verdure avec du charme ! » n’a cessé de nous répéter M. Gouttefangeas : « Prenez des conifères, les feuillus ça pousse trop vite ! ». On pourrait parier peut-être, que pour la prochaine saison, il y aura encore pas mal de changement au château, mais cette fois, dans les jardins. Là, Madame ne s’y aventure guère…
Les pieds piétinent, les gorges s’assèchent, l’heure tourne. Le temps a passé vite à écouter les châtelains. Chaque participant rejoint la voiture qui l’a amené, les politesses sont rapides, c’est le moment du retour.

Jusqu’à la prochaine fois !
Évelyne C