S'échapper de la canicule
citadine pour quelques heures, quel plaisir ! En ce 7 août 2017, nous avons. rendez-vous
au lac de Guéry, et plus particulièrement au "Jardin botanique" : un
merveilleux écrin de fraîcheur où les effets d'un soleil bien présent sont
compensés par une brise bienvenue.
Dans l'après-midi nous serons au Mont-Dore pour une
présentation théâtralisée des principaux lieux célèbres de la ville.
Cette journée a pu être programmée grâce à la subvention du
Conseil Départemental qui, comme l'année dernière au Puy-de-Dôme, nous permet
de réaliser cette sortie en plein air.
LE JARDIN BOTANIQUE
Le Centre montagnard "Cap
Guéry" nous accueille pour un parcours ludique et insolite. Le relief et l'altitude
favorisent une végétation qui reste fragile – mais toujours variée grâce aux
ruisseaux serpentant dans la montagne. La faune y est bien particulière, celle
qui fait entendre croassements et filets de sons d'insectes vivant dans les
mares ou leurs abords.
L'aspect pédagogique, telle est
l'ambition du sentier "Terra Alta". Des panneaux sous forme de cubes
pivotants satisferont la curiosité du visiteur quel qu'il soit : adultes et
enfants y trouvent leur compte. Pour les plus "physiques" ceux-ci
peuvent s'évaluer, se comparer, en actionnant la pompe pour le captage de l'eau
; c'est l'occasion de mesurer sa forme… et son efficacité ! Plus le mouvement
est réussi, plus le flot est vigoureux, et l'eau, au bout de sa course,
retournera au ruisseau quelques mètres plus bas. Dans le groupe d'une trentaine
de personnes, plusieurs s'y sont essayé ! Succès mitigé… c'est qu'il y faut de
la méthode !
Sur le parcours, des passerelles
permettent l'escalade de collines boisées et fleuries. Marcher à l'ombre,
tranquillement, rien ne presse. Au long des sentiers, les plantes, arbres et
arbustes sont nommés et documentés sur des carrés de lauze.
A mi-journée, lorsque les
estomacs réclament, chacun s'installe à sa guise, à l'endroit qui lui plaît. D'aucuns
ont pris l'habitude d'apporter du vin ; le pli est pris !
Puis c'est le moment de reprendre
les voitures pour une petite dizaine de km. En route pour le
Mont-Dore où nous attend
Mademoiselle Charlotte…
UN PEU D'HISTOIRE
Melle Charlotte de la Tronchette
(alias Agnès nous dira-t-elle en fin de parcours) se présente. Actrice de rue,
"en costume", Melle Charlotte introduit la visite par quelques mots
de présentation historique de la ville. Son parler tonique et entraînant, la
distribution d'une petite épingle de couleur (précieux sésame pour entrer à sa
suite dans quelques lieux privés), revigorent l'attention des participants
quelque peu tombés dans la torpeur de la chaleur et de la digestion…
L'activité thermale au Mont-Dore
existe depuis la période gallo-romaine,
soit au 1er siècle de notre ère. Les fouilles archéologiques ont permis
d'authentifier son existence grâce à la présence de pièces de monnaie sur les
lieux des Thermes, non loin de la faille et de la source d'où l'eau s'écoule.
Les premiers bâtiments thermaux
sont construits en bois. Aussi, lors de différents conflits de l'Histoire,
furent-ils brûlés, et reconstruits. Entre le Moyen Age et la Révolution, des
fermes occupent les parties basses du village. Durant toute cette période, les
"soins" - que l'on qualifie alors de bienfaits - sont donnés
gratuitement, les lieux sont fréquentés par un public très populaire. Selon les
emplacements, les établissements se sont édifiés avec le matériau local : ici
la "dorite"(pour le Mont-Dore), ou la "bessite" (pour
Besse) et encore… la pierre de Volvic qui se sculpte facilement. Tous ces noms
pour se singulariser sont en fait une seule et même chose. La pierre de Volvic
présente en outre l'avantage de ne pas geler. Un gros avantage dans nos
contrées.
C'est entre 1774 et 1857 que le
docteur Michel Bertrand fonde la station thermale – reconnue médicalement - y
aménageant une variété de bains adaptés à une clientèle de la haute société.
On y soigne les affections
pulmonaires, affections nasales et autres rhumatismes.
A l'aube du XIXème siècle, venir
en cure est très à la mode (tout comme aller à la mer). De grands spectacles
sont donnés, en avant-première, afin d'être testés auprès du public local puis
d'être produits à Paris.
De nos jours, dans toute
l'Auvergne, il ne reste que 17 établissements thermaux en activité ; les restrictions
budgétaires - annulant la prise en charge par le service public - sont passées
par là. Les soins, oui, l'hôtellerie, non. Pour le confort, maintenant voyez à…
Vichy !
LES CURISTES CÉLÈBRES
A partir de 1830, avec le
capitalisme naissant, l'eau, cette richesse naturelle – donc gratuite – attire tous
les affairistes. La ville se développera avec ses commerces d'hôtellerie, le
casino attire une classe aisée.
En 40/50 ans, la petite ville est
transformée. C'est qu'il y a de la concurrence ! Royat, Vichy, Néris… Le choix
du Mont-Dore se fait en raison de son meilleur confort.
Parmi les curistes les plus
connus, on y croisera Mme de Sévigné visitant ses amis ; le marquis de Mirabeau
(père du célèbre orateur), George Sand, Alfred de Musset, Honoré de Balzac,
Anatole France, Marcel Proust, Marie de Hohenzollern (mère du roi des Belges
Albert 1er)…
Les frères Lumière prirent le
site pour décor de 2 de leurs films : "La montée du funiculaire" et
"La sortie des thermes" ; Georges Fontanet, peintre local (1901 –
1986) surnommé le peintre du Sancy ; plus près de nous, des sportifs (coureurs,
skieurs), des naturalistes (Henri Lecoq), des journalistes et écrivains
régionaux.
LE PALACE SARCIRON-RENALDI
De son pas rapide, Charlotte nous
dirige vers la place la plus animée par ses commerces. C'est là que nos petites
épingles deviennent utiles pour entrer dans une des plus belles demeures dont l'angle
au 5ème étage, est surmonté d'un dôme ressemblant "furieusement" à
celui des magasins du Printemps à Paris !
Pourtant, nous sommes bien au
Mont-Dore et nous pénétrons dans ce qui fut le palace Sarciron-Renaldi. Faisant face aux Thermes, le bel immeuble conçu par
l'architecte clermontois Louis Jarrier, orné de balcons et de sculptures
imposantes, est l'un des derniers témoins de l'époque florissante du
thermalisme. Il ouvrit en 1907. Doté de 300 chambres et suites (soit jusqu'à
600 lits), il fut fréquenté par de riches industriels, banquiers et quelques
artistes. Il est considéré comme l'un des 5 plus riches palaces de France.
Entre les deux guerres, c'est une
période d'agrandissement, de reconstruction qui s'inscrit à l'époque des grands
déploiements industriels. Le chemin de fer arrive jusqu'à la Bourboule et au Sancy
avec une station au Mont-Dore (1er juin 1899). L'accès ferroviaire a été annulé
en 2015, remplacé par un transport en TER…
Les matériaux
"s'industrialisent" : de la pierre volumineuse et lourde (quand on
n'utilise pas la
pierre de Volvic - ou
"dorite"), on passe aux poutrelles métalliques soutenant des
verrières, que ce soit en extérieur pour se protéger de la pluie, ou à
l'intérieur pour profiter d'une lumière zénithale. La verrière est signe de
modernité et de richesse.
Aujourd'hui, c'est une résidence
partagée en appartements privés dont les propriétaires ont à cœur de conserver
toute l'originalité : l'architecture intérieure date de la Belle Époque.
Sans ce collectif, encouragé par
la DRAC (Direction Régionale d'Art Contemporain), il y a fort à parier que ces
lieux n'auraient pu être rénovés et entretenus par une instance publique. Les dimensions
imposantes des salons et couloirs sont à eux seuls impressionnants d'équilibre
et d'esthétique : l'Art Nouveau avec ses courbes et végétaux, le style
néoclassique et ses colonnes accentuent la grandeur du lieu.
LA CURE
En 1936, ce sont les congés payés.
En 1945, la Sécurité sociale
créée par le CNR (Conseil National de la Résistance) permet à un public plus
large de fréquenter les thermes.
L'eau est celle qui est infiltrée
très profondément dans le manteau de la terre, duquel s'échappent des gaz et
sur son parcours, cumulant des minéraux selon les couches traversées.
Ce parcours prend plusieurs
siècles !
Le traitement doit être prescrit
par un médecin – on la qualifie de "thermo minérale gazeuse".
LES THERMES
Vers 1890 les thermes du Mont-Dore ont connu une grande
évolution. Un architecte parisien veut rassembler les quelques bâtiments épars
qui traitent les différentes affections et maladies.
Il va les relier par des couloirs coiffés de ces verrières
reprenant des références d'après l'art baroque et "pompier".
La salle des douches nasales, comme les autres salles, se
présente sous forme de lavabos contigus avec leurs accessoires, le tout carrelé
de mosaïques dont les bleus et les ocres sont à la fois reposants (par le bleu)
et toniques (par l'ocre jaune). L'éclairage par la verrière renforce la sensation
de bien-être.
Ici, la riche clientèle bénéficie
d'un service "de palace" tant d'hôtellerie que gastronomique aux noms
de plats quelque peu poétiques ; la carte propose entre autres de
"l'anguille de bruyère" qui n'est autre que… du serpent, plus
précisément de la couleuvre…
Au 1er étage (en tout il y en a
3) ayant franchi les escaliers étayés de colonnes réunies par des arcs romans,
on se trouve dans un style néo-Renaissance où d'autres colonnes, en granit des
Vosges (polies à la corde !) viennent renforcer cette solidité. Le béton fait
son apparition dans les années 50/60, il remplace le fer pour les structures
des verrières. Ce qui ôte une légèreté visuelle, et présente un intérêt
économique certain.
La salle centrale est parcourue
de panneaux reprenant l'historique des lieux. Où l'on voit le chemin parcouru
tant pour le bien-être du patient que pour la qualité visuelle de
l'environnement (décoration intérieure, vêtements pour les curistes…).
Un adage dit que "Au bout de
3 cures, les effets restent !"
Si vous en avez déjà vécues, à
combien de cures vous êtes-vous déjà présenté(e) ?
En sortant – un peu fatigués – un
léger goûter revigorant vient rassasier encore une fois les participants,
heureux de cette journée qui a eu le bon goût de réserver l'orage au moment de
notre départ (et l'a donc précipité).