18 janvier 2014 - Le secret des "eaux pétrifiantes"

Nicole Papon, la dernière exploitante de la fontaine pétrifiante des grottes du Pérou (peïrou, en auvergnat, signifie la pierre)  a évoqué  la riche histoire de ce lieu millénaire à l'occasion d'une passionnante conférence organisée à la Maison de quartier de la Glacière où nous étions plus d'une cinquantaine de personnes à être venus l'écouter.

Madame Papon nous a d'abord expliqué l'évolution géologique aboutissant à la formation de ces sources avant de décrire, à la manière d'une conteuse, les différentes étapes qui ont conduit à la naissance d'un travail artisanal d'abord grossier, puis évoluant insensiblement vers un art tout en finesse.
La chose reste encore méconnue : l'un des plus anciens volcans du département se trouve sous les pieds des Clermontois. Le centre-ville est en effet bâti sur un cratère volcanique, né de la rencontre « explosive » entre une remontée de magma et une nappe phréatique profonde, il y a environ 156.000 ans. La faille qui a permis à l'époque le passage du magma a également laissé remonter des eaux thermo minérales. Le maar de Jaude – c'est ainsi qu'on le nomme – d'environ 1.500 m de diamètre, est bordé par la butte qui constitue aujourd'hui le plateau central.
Sa lèvre nord, légèrement abaissée, forme une espèce de « bec verseur », d'où les eaux thermo minérales du cratère débordent et suivent la pente en direction de la Tiretaine. Là, elles circulent à faible profondeur, surgissant spontanément en quelques points bas. C'est sur ce cheminement qu'ont été creusés les puits de captage permettant de diriger ensuite les eaux vers les établissements de pétrification.
À la fin du moyen âge, le quartier Saint-Alyre est un faubourg occupé par de nombreux monastères; il est constaté d'étranges arches que l'eau semblait construire d'elle-même, jusqu'à devenir des ponts. Une curiosité extraordinaire qui, dès le 16ème siècle, faisait l'objet de visites. mais Il faudra attendre la deuxième moitié du 17ème pour voir naître l'idée de pétrification volontaire, et le premier tiers du 18ème pour que l'on songe à domestiquer les sources. On parlera dès lors d'«incrustation ».
Le principe ? Lors de l’arrivée de l’eau à l’air libre, le carbonate se précipite sous forme de cristaux aux grains grossiers puis de plus en plus fins. À partir de ces observations, des installations, bassins et échelles sont construits et un long travail de patience, de recherche et d’essais est mis en œuvre pour obtenir des résultats de plus en plus artistiques. Au début, on procédait au recouvrement des objets par quelques millimètres de calcaire. La seule intervention consistait à les retourner régulièrement pour obtenir un dépôt uniforme. Des animaux naturalisés furent également pétrifiés puis des mannequins habillés de costumes locaux . Au début du XIXème siècle, une nouvelle méthode de travail, beaucoup plus complexe, commence : l’incrustation sur moulage, qui consiste à obtenir un dépôt très fin et extrêmement régulier sur un moule qui fut d’abord en soufre puis en gutta-percha (une gomme végétale naturelle), réalisé à partir d’un original en cuivre. La méthode s’est perfectionnée au fil des ans jusqu’à obtenir des bas-reliefs quasiment translucides, d’une couleur proche de celle de l’ivoire. Cette teinte est donnée par l’oxyde de fer contenu dans l’eau que l’on épure plus ou moins, selon le résultat désiré, en la faisant circuler dans des canaux remplis de copeaux de bois.

Ces procédés restent utilisés aux fontaines pétrifiantes de Saint Nectaire, où Éric Papon, septième maillon d'une même famille, s'applique à perpétuer la tradition.

M-Thé C