Le vent soufflait ce 22 mars là quand nous nous sommes
retrouvés devant le Musée Roger Quilliot pour faire une visite du vieux
Montferrand en compagnie de M. André Collin, président de l'association Montferrand renaissance.
Certes il était froid ce vent, mais également vivifiant
pour notre curiosité, notre désir de savoir et de réveiller tous les
fantômes qui nous attendaient là…et ils étaient nombreux !
Nous apprîmes d’abord comment, ce qui paraissait être une
condamnation à la pauvreté de Montferrand - le rattachement à Clermont - fût
finalement ce qui permît de sauver cet îlot médiéval , puisque les
urbanistes, privilégiant Clermont, délaissèrent le lieu qui s’endormît
dans un silence de conte de fées.
En effet, l’érudition de M.Collin réveille devant
nos yeux décillés du quotidien, la ville médiévale du 13ème siècle qu’était Montferrand.
D’abord les rues ! Non, elles n’étaient pas aussi
raides : elles étaient IMPRATICABLES ! De véritables
chemins bourbeux et rocailleux dont toutes les différences de niveau gênaient
les chalands lors des nombreux marchés qui enrichissaient la ville. Décision
fut alors prise pour le bien des affaires de les creuser, les drainer, les
niveler pour les rendre droites et pratiques : le visage de la ville en
fût totalement changée. Apparurent alors en rez de chaussée les portes des
caves naguère souterraines. Les portes d’entrées desservaient désormais des
étages qu’il fallait dés lors munir d’escaliers et de balcons. C’est ce visage
que nous connaissons aujourd’hui, accompagné de ses pavements anciens et de ses
portes cloutées.
Mais le guide nous montre également l’humour et l’orgueil
des Montferrandais d’autrefois.
Ici un notable a voulu impressionner le passant en
décorant sa maison d’une peinture d’« oliphant » !! La Maison de
l’Oliphant remontant au 13ème siècle est
donc romane et si la représentation de l’oliphant en question n’est pas
vraiment fidèle à celle de l’animal, c’est que les artistes de l’époque
devaient plus rapprocher l’éléphant des animaux fantastiques que d’une
réalité.
L’imagination est d’ailleurs reine dans les décorations
des maisons. Partout, un univers merveilleux fait de créatures imaginaires est
mêlé à la réalité : Anges et femmes se côtoient sur les tympans,
chevaliers et griffons défendent les maisons des mauvais esprits, les centaures
des deux sexes entourent les représentations chrétiennes.
Ce mélange émeut, comme s’il nous disait l’innocente et
naïve représentation du monde de nos ancêtres, avec ses espérances et ses
terreurs. Mais il est également d’une beauté troublante : la lumière s’y
attache toujours de façon significative et les cours intérieures du
15ème et 16ème siècles sont stupéfiantes d’un art et
d’une magnificence perdus. Les maisons de l’Ange et de la Licorne
(véritable chef d’œuvre malheureusement parti aux Etats-Unis) nous parlent d’un
imaginaire tellement proche du quotidien qu’il en devient réel. Souvenons-nous
qu’à l’époque, une statue sacrée représentait la divinité elle-même…
L’humour est également très présent dans cet univers
à la fois humain et étranger. Ainsi l « la maison de
l’Apothicaire » avec son patient tendant « le fondement » à un
clystère nous donne l’écho d’un rire bien rabelaisien !
Nous nous sommes séparés de M. Collin devant les anciens remparts
de Montferrand, récemment remis à jour et restaurés. Cet amoureux de
Montferrand ne voulait pas nous laisser partir sans nous montrer ces fondations
ressorties de terre comme des Phoenix proclamant l’éternité de sa ville
bien-aimée.
Nous avons compris, M. Collin, et pour parodier nos
cousins Québécois, nous proclamerons désormais dans nos discussions sur
Montferrand : « Nous n’oublions pas !!! »
Frédérique M.